Retenues sur salaires : découvrez les bonnes pratiques et les erreurs à éviter absolument !

Retenues sur salaires : bonnes pratiques et erreurs à éviter absolument !

Lorsque vous réalisez la paie de vos salariés, vous établissez le montant de leurs droits au regard de votre obligation de verser un salaire pour le travail réalisé.

L’opération est assez classique quand aucun élément variable n’est à saisir ou qu’aucune absence n’est à déduire.

Mais, en pratique, c’est rarement le cas.

Bien souvent, vous devez opérer des retenues sur salaires, voire sur d’autres montants.

Concrètement, vous déduisez un certain montant de la fiche de paie.

Il existe différents motifs qui permettent d’opérer ces retenues.

  • Lesquels ?
  • Quelles sont leurs conditions de validité ?
  • De quelle manière procéder pour réaliser ces retenues ?
  • Hormis sur le salaire, sur quelles autres sommes des retenues sont-elles possibles ?

1. Les conditions de validité des retenues sur salaire

Certaines retenues sur salaire peuvent être opérées sur la paie de vos collaborateurs.

Pour être valables juridiquement, elles se doivent de respecter un certain nombre de principes.

Pourquoi ?

La raison en est très simple.

Le salaire bénéficie d’une protection particulière en raison de son caractère alimentaire.

Par conséquent, pour être incontestables, vos retenues sur salaire doivent :

  • Ne pas pouvoir être assimilées à des sanctions pécuniaires. Ce type de sanction est formellement interdit.
  • Être proportionnelles à la durée de l’absence quand elles sont opérées pour ce motif.
  • Être dénuées de tout caractère discriminatoire.
  • Avoir un lien étroit avec le contrat de travail ou la relation de travail.

Une retenue sur salaire ne respectant pas ces points est tout simplement une sanction pécuniaire prohibée.

Plusieurs situations ou agissements de vos salariés peuvent entraîner des retenues sur leur paie.

Prenons quelques exemples pour illustrer tous ces principes pour vous permettre de pouvoir les appliquer en toute sécurité pour votre gestion sociale.

2. Les retenues sur salaire en raison du comportement du salarié

a. Le cas d’un retard ou d’une absence

Prenons l’exemple d’un salarié qui prend son poste avec retard ou lorsqu’il est absent et qu’aucune disposition légale ou conventionnelle ne vous oblige à indemniser cette absence.

Dans ce cas, vous êtes fondé à retenir sur son salaire le montant correspondant à la durée exacte du retard ou de l’absence constatée.

Ainsi, si votre salarié est en retard d’une demi-heure, vous ne pouvez pas retenir une heure au titre de ce retard.

Il s’agirait alors dans ce cas d’une sanction pécuniaire prohibée.

En effet, votre retenue sur salaire n’est pas proportionnelle à la durée de l’absence.

b. Le cas de la faute

Une autre situation est celle du salarié qui a commis une faute.

L’exemple classique est celui du salarié qui, en utilisant le véhicule de société, le détériore accidentellement.

Très souvent, dans ce cas, les employeurs nous posent la question de savoir s’ils sont légitimes à leur faire payer tout ou partie des réparations occasionnées par l’accident.

La réponse est négative.

Là encore, il s’agit d’une sanction pécuniaire prohibée.

Beaucoup d’autres situations peuvent illustrer ce point comme la retenue sur salaire :

  • Opérée en raison de l’absence de remise d’un rapport par le salarié ou plus généralement en raison de son refus d’exécuter un travail (Cour de cassation, civile, 7 février 2008, 06-45.208).
  • Consécutive au refus du salarié d’assister à une réunion (Cour de Cassation, 19 novembre 1997, 95-44.309).
  • Au motif d’un dépassement du forfait téléphonique du téléphone professionnel par le salarié (Cour de cassation, 15 mai 2014, 12-30.148).

Plus subtil, il arrive aussi que ce type de sanction pécuniaire prohibée se niche dans des clauses de contrat de travail, voire sur d’autres supports.

Ainsi sont totalement interdites les clauses qui prévoient :

  • L’absence de versement de la prime sur objectif en cas de faute et laissée à l’appréciation de la hiérarchie en cas de licenciement pour motif réel et sérieux (Cour de Cassation, 20 décembre 2006, 05-45.365).
  • Dans un plan de stock-options, que le salarié ne pourra pas lever les options en cas de licenciement pour faute grave de sa part (Cour de cassation, civile, 21 octobre 2009, 08-42.026).

3. Des retenues sur salaire peuvent aussi avoir pour origine la mise en œuvre de votre pouvoir disciplinaire

C’est le cas lorsque vous sanctionnez un salarié par une mise à pied à titre disciplinaire.

Une telle mise à pied n’est pas une sanction pécuniaire prohibée.

En effet, dans ce cas, il n’y a absence de versement du salaire puisqu’il n’y a pas de prestation de travail en contrepartie.

Bien sûr, dans cette situation aussi, le salaire doit être réduit en proportion de la durée de travail non effectué.

Pour être très clair, il convient de distinguer la mise à pied disciplinaire de la mise à pied à titre conservatoire.

Cette mise à pied est celle que vous allez prononcer dans le cadre d’une procédure de licenciement.

Elle est une mesure provisoire de suspension du contrat de travail dans l’attente de la décision définitive que vous devrez prendre à l’issue de l’entretien préalable.

Dès lors, cette mise à pied n’aura pas à être rémunérée, mais uniquement si vous licenciez le salarié pour un motif de faute grave.

Vous pouvez aussi décider de sanctionner un salarié par une rétrogradation disciplinaire.

La baisse de salaire consécutive à cette rétrogradation disciplinaire n’est pas une sanction pécuniaire.

Pour cela, plusieurs conditions doivent être remplies :

  • La rétrogradation doit-être justifiée et proportionnée aux faits commis.
  • Le nouveau poste doit-être différent et de moindre qualification. En clair, le salarié exercera moins de responsabilités.
  • Mais, surtout, il faut que le salarié ait accepté la modification de son contrat. En cas de refus de sa part, vous pourrez alors prendre une autre sanction pouvant aller jusqu’à un licenciement (Cour de Cassation, 7 juillet 2004, 02-44.476).

4. Les retenues sur salaire réalisées via le mécanisme de la compensation

a. La compensation : de quoi parle-t-on exactement ?

Dans certaines situations, votre salarié peut avoir une dette à l’égard de votre entreprise.

C’est le cas si vous lui avez versé un acompte, une avance, ou bien encore une prime par erreur.

Vous êtes alors légitime à déduire tout ou partie de cette dette de son salaire ou de toute autre somme dont vous seriez débiteur à son égard.

Il s’agit là du mécanisme de la compensation, prévu par  l’article 1347 du Code civil, et qui désigne l’opération par laquelle deux dettes réciproques s’éteignent.

Pour que la compensation puisse s’opérer sans l’intervention d’un juge, celle-ci doit remplir les conditions suivantes (Article 1347-1).

Les dettes doivent être :

  • Fongibles : c’est-à-dire qu’elles doivent pouvoir se remplacer,
  • Certaines : elles ne doivent pas pouvoir être contestées par leurs débiteurs,
  • Liquides : c’est-à-dire déterminées dans leur montant,
  • Exigibles : arrivées à échéance.

Parce que le salaire a un caractère alimentaire, ce mécanisme de la compensation n’est pas totalement transposable en matière de droit du travail.

b. La compensation en droit du travail

Retenez que vous ne pouvez pas opérer une retenue de salaire pour compenser des sommes qui vous seraient dues par un salarié pour fournitures diverses, quelle qu’en soit la nature.

Par exception, vous pouvez retenir sur le salaire, dans la limite de la fraction saisissable, (nous verrons cette notion un plus loin) les sommes que votre salarié peut vous devoir au titre :

  • De la fourniture des outils et instruments nécessaires au travail,
  • De la fourniture des matières ou matériaux dont votre salarié a la charge et l’usage,
  • Des sommes avancées pour l’acquisition de ces mêmes objets.

Par contre, cette exception ne vous concerne pas si vous appartenez à une entreprise de l’un de ces secteurs :

  • Les hôtels, cafés, restaurants et établissements similaires,
  • Le spectacle, cercles et casinos,
  • Les transports.

Cependant, la prudence reste de mise même si vous ne relevez pas de l’un de ces secteurs.

En effet, depuis un arrêt de la Cour de cassation de 2005, ce mécanisme de la compensation de plein droit a été fortement réduit.

Selon cet arrêt, seule la faute lourde, qui suppose l’intention de nuire de votre salarié à l’égard de votre entreprise, permet d’engager sa responsabilité pécuniaire.

Pour cela et compte tenu de l’interdiction de principe des sanctions pécuniaires, il est recommandé de saisir le Conseil de prud’hommes.

La perte ou la détérioration des matériels confiés n’est pas une condition suffisante pour opérer une retenue sur salaire.

Nous sommes aussi dans le même cas lorsque vous constatez un déficit d’inventaire dans le magasin dont votre salarié à la responsabilité.

Il a peut-être la charge de la marchandise, mais n’en a pas l’usage qui reste une condition nécessaire à la compensation.

Ce mécanisme de la compensation est donc complexe et limité, mais ils subsistent des cas dans lesquels vous pouvez tout de même la mettre en œuvre.

c. Les cas possibles de compensation ?

  • Pour l’acompte : selon le code du travail, c’est un droit pour le salarié et vous pouvez le déduire sur sa paie en fin de mois. À défaut de déduction totale ou en cas de déduction partielle le mois de son attribution, l’acompte devient une avance qui n’obéit plus au même régime pour être déduit.
  • Au titre des cotisations salariales que vous auriez oubliées de prélever sur le salaire ou que vous avez dû payer suite à un redressement de l’Urssaf (Cour de Cassation, 25 février 1997, 94-44.788).
  • Pour toutes les sommes que vous auriez indûment versées au salarié : c’est le cas suite à erreur sur le montant de son salaire, pour une prime à laquelle il n’avait pas droit, pour un maintien de salaire en cas de maladie effectué à tort, dans le cas d’une transaction annulée…
  • Pour toutes les avances en espèces : une avance est un paiement anticipé du salaire. Son intitulé masque le fait qu’elle couvre tous les modes de paiement : virement bancaire ou postal, chèque et donc pas uniquement les avances en argent liquide.
  • Pour les prêts que vous avez pu accorder.

5. Est-ce que cette compensation doit respecter des limites ?

En effet, il y a des limites et deux cas de figure.

a. Le premier cas est celui qui correspond aux retenues effectuées au titre :

  • De la fourniture des outils et instruments nécessaires au travail,
  • De la fourniture des matières ou matériaux dont votre salarié a la charge et l’usage,
  • Des sommes avancées pour l’acquisition de ces mêmes objets,
  • Et, aussi, à tous les autres cas autres que les avances en espèces.

Ainsi, dès lors que la compensation est possible, elle doit-être opérée dans la limite de la quotité saisissable du salaire.

Ces limites sont fixées par l’article R.3252-2 du Code du travail qui détermine les fractions saisissables par tranches successives de salaires, jusqu’à un plafond au-delà duquel la totalité du salaire est saisissable.

Ces tranches font référence à des montants annuels de salaires qui sont augmentés en fonction du nombre de personnes à charge du débiteur saisi ou du cédant.

Ils sont révisés périodiquement.

b. Le second cas est celui qui correspond aux avances en espèces et aux prêts

La règle que vous devez appliquer est la suivante.

Votre retenue doit-être d’un montant maximum correspondant au dixième du montant des salaires exigibles (Article L3251-3 du Code du Travail).

Depuis le début, nous avons abordé majoritairement le cas des retenues sur salaire. En effet, il s’agit de la principale dette de l’employeur à l’égard du salarié.

Mais, ce n’est pas la seule.

6. Des retenues peuvent être effectuées sur d’autres sommes que le salaire

Vous pouvez devoir à votre salarié une indemnité de licenciement, voire des dommages et intérêts à la suite d’une condamnation par exemple.

Les limitations des retenues qui correspondent à la quotité saisissable du salaire ou au dixième du montant des salaires exigibles ne trouvent à s’appliquer que pour les éléments de rémunération ayant un caractère de salaire.

Ces sommes à caractère de salaire sont, à titre d’exemple :

  • Le salaire de base, des primes, des majorations pour heures supplémentaires,
  • Les acomptes,
  • Les pourboires centralisés,
  • L’indemnité de non-concurrence,
  • L’indemnité compensatrice de préavis,
  • L’indemnité de fin de contrat des salariés en CDD ou des intérimaires,
  • L’indemnité de départ volontaire à la retraite (indemnité de congés payés, indemnité de préavis, prime…),
  • Les indemnités de congés payés,
  • La valeur des avantages en nature,
  • Les indemnités journalières de la sécurité sociale versées par l’employeur (subrogation) et les indemnités complémentaires versées en application d’un contrat de prévoyance,
  • Les indemnités d’activité partielle, d’APLD, de préretraite progressive ou de congé de conversion.

Les éléments de rémunération qui n’ont pas ce caractère de salaire correspondent notamment aux:

  • Indemnités de licenciement,
  • Indemnités de mise à la retraite,
  • Dommages-intérêts pour licenciement abusif ou irrégulier.

Ainsi, toutes les sommes qui n’ont pas ce caractère de salaire sont :

  • Exclues de la base qui sert à déterminer la fraction saisissable,
  • Compensables sans limite avec les montants dus par le salarié à son employeur.

En conclusion

Les salaires bénéficient d’une protection spéciale en raison de leur caractère alimentaire.

Par conséquent, les retenues opérées doivent respecter des principes très stricts :

  • Les retenues pour absences doivent être proportionnelles à leurs durées,
  • Les retenues pour comportement fautif sont assimilées à des sanctions pécuniaires.

En droit du travail, le mécanisme de la compensation est relativement restreint et doit s’opérer dans certaines limites s’agissant des retenues opérées sur les salaires.

Les sommes qui n’ont pas le caractère de salaire sont compensables sans limites avec les sommes que le salarié peut vous devoir.

À propos de l’auteur

Avocat et Médiateur | Plus de publications

Claude conseille les chefs d’entreprise sur les aspects juridiques et RH de leur gestion sociale. Il assure aussi leur défense devant les juridictions dans le cadre des litiges qui les opposent avec les salariés ou les administrations.
Chez Human Avocats, notre équipe d’avocats et de consultants est dédiée à la gestion sociale des entreprises que nous accompagnons en proposant une démarche transverse des problématiques juridiques et opérationnelles des RH et de la paie.

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