Chefs d’entreprise : La période probatoire, vous connaissez ?

Période probatoire : comment éviter les pièges

Avez-vous déjà vécu cette situation compliquée dans le cadre de la gestion sociale de votre entreprise ?

Elle commence comme cela.

Patrick, le chef d’équipe de votre agence commerciale de Lyon, vous annonce sa démission.

Vous voici dans l’embarras.

Patrick est un des piliers de votre entreprise.

C’est lui qui assure l’interface entre vous et les équipes.

La question de son remplacement se pose de façon urgente.

Si son poste reste vacant trop longtemps, vous allez vous retrouver noyé sous les contraintes opérationnelles.

La situation va devenir très vite ingérable, pour vous, mais aussi pour les équipes.

Car, c’est bien connu, elles ont horreur du vide.

Elles ont besoin d’un pilote.

Vous ne pourrez pas être aussi présent que Patrick au sein de son équipe.

À terme, elle vous le fera savoir.

Vous ne voulez pas en arriver à cette situation, alors, ….

Vous réfléchissez, …

Vous avez bien pensé à faire évoluer Julien, votre meilleur technicien, ….

Ce serait une belle promotion pour lui.

Cependant, vous avez encore un léger doute sur ses compétences de manager.

C’est bien normal, il n’a jamais encadré d’équipes.

Et s’il ne donne pas satisfaction dans ces nouvelles attributions ?

Comment faire pour la suite avec lui ?

Et si ces nouvelles fonctions ne lui convenaient pas ?

Vous risqueriez de le perdre définitivement.

De plus, vous ne voulez pas prendre le risque de lui accorder un salaire plus élevé et d’autres avantages contractuels.

C’est sûr, en cas d’échec, il sera difficile, pour ne pas dire impossible, de les remettre en question.

Comment ne pas aboutir à une telle situation ?

Et puis, comment accompagner Julien pour qu’il réussisse à devenir un bon chef d’équipe ?

Mais aussi pour que cela soit bénéfique pour votre entreprise.

La mise en place d’une période probatoire apporte des réponses à toutes vos questions bien légitimes.

Elle va sécuriser votre gestion sociale, sur le plan juridique, mais également sur le plan managérial.

Il faut développer pour mieux comprendre.

Allons-y.

1. Vos droits et ceux de Julien

Votre besoin : tester les capacités professionnelles de Julien au poste de chef d’équipe.

C’est votre droit, il est totalement compréhensible.

Ainsi, une période probatoire ressemble un peu à une période d’essai.

La différence est qu’elle se positionne en cours de contrat, et non à son commencement, à l’inverse de la période d’essai.

Attention toutefois !

Cette période probatoire ne saurait, en aucun cas, être assimilée à une période d’essai.

En effet, imaginez que Julien ne soit pas à la hauteur.

Vous allez peut-être vouloir vous en séparer.

Ce serait trop facile de rompre une période probatoire à l’identique d’une période d’essai et ainsi contourner toutes les règles applicables en cas de licenciement.

Donc cela n’est pas possible, même si Julien signe un avenant à son contrat de travail dans ce sens.

Il ne peut renoncer par avance au droit de se prévaloir des règles légales du licenciement.

La loi le protège.

Ce sont ses droits.

Vous voici donc prévenu.

2. Les aspects juridiques de la période probatoire

Les aspects juridiques de la période probatoire

2.1 La nature juridique de la période probatoire

Concrètement, pendant une durée limitée, assimilable à une période de test, Julien sera placé dans ses nouvelles fonctions.

Pour autant, il ne va pas changer de statut.

En règle générale, un Chef d’équipe a un statut d’Agent de Maîtrise dans les classifications des conventions collectives.

C’est le cas par exemple dans la convention collective des Commerces de Gros.

Ainsi, si Julien est actuellement employé, il conserve cette classification pendant cette période de test.

Il conserve aussi son salaire de base.

Vous avez cependant bien conscience qu’il faut le rémunérer en conséquence pour les nouvelles responsabilités qu’il assume.

Pour cela, vous pouvez par exemple lui verser une prime.

Il peut aussi y avoir d’autres avantages de prévus, correspondant aux spécificités du poste occupé pendant cette période probatoire.

Vous devez obtenir l’accord écrit de Julien.

En droit, on parle d’accord exprès. Il est l’opposé d’un accord verbal.

Dans tous les cas, il est primordial de bien regarder et de respecter les éventuelles dispositions de votre convention collective.

2.2 Un avenant au contrat de travail est indispensable

Il faut obligatoirement établir un avenant au contrat de travail de Julien.

Si vous ne le faites pas et que vous ne souhaitez pas maintenir Julien à son poste à l’issue de la période probatoire, il sera alors fondé à refuser de revenir à son poste initial.

Pour quel motif ?

Il dira que vous opérez une modification unilatérale de son contrat de travail.

Ce dernier point est un sujet à lui tout seul.

Après le salaire et le statut, la question de la durée de la période probatoire se pose également.

2.3 La durée de la période probatoire doit-être encadrée

Forcément, cette période probatoire doit être limitée dans le temps.

Il n’est pas envisageable de « tester » Julien pendant un an par exemple.

Pourquoi ?

Tout d’abord parce que, pour vous, l’objectif est de valider si Julien peut devenir votre futur chef d’équipe.

Julien, quant à lui, veut savoir si ce poste lui convient.

Nous sommes dans une situation analogue à une période d’essai, laquelle ne dure jamais un an.

À un moment, il faudra trancher.

À quel moment ?

Le Code du travail est muet sur ce dispositif.

Les conventions collectives encadrent parfois ce point.

Par exemple, c’est le cas de la convention collective de commerces de gros qui prévoit une durée maximale pour cette période probatoire

  • De 6 mois maximum pour les salariés qui relèvent de la catégorie des employés classés aux Niveaux III et IV.
  • De 8 mois maximum pour les salariés qui relèvent de la catégorie des Techniciens et des Agents de Maîtrise classés aux niveaux V et VI.

Dans cette convention collective, vous devez aussi tenir compte d’un autre paramètre. Celui du diplôme (on parle ici de diplôme d’État ou reconnu équivalent par l’État) éventuellement détenu par le salarié, qui réduit de moitié cette durée s’il est pris en compte dans l’emploi exercé.

Prenons l’exemple de Julien.

Si Julien est classé au niveau V, et qu’il détient un BTS Management des Unités Commerciales, la durée maximum de sa période probatoire sera de quatre mois au lieu de huit.

Il est essentiel de retenir que la période probatoire, convenue dans l’avenant contractuel, ne doit jamais dépasser la durée maximale éventuelle fixée par votre convention collective.

À défaut, il est possible de se référer aux délais maximums prévus pour la période d’essai.

Si vous dépassiez la durée maximale prévue et que vous souhaitiez revenir à la situation initiale, cela est impossible.

Ainsi, si Julien n’était pas réintégré dans son emploi antérieur ou dans un emploi similaire à l’expiration de la période probatoire autorisée, il devrait être maintenu à son nouveau poste.

La Cour de cassation a eu l’occasion de le préciser dans l’affaire suivante : Cass. Soc., 20 janv. 2021, no 19-10.962.

Autrement dit, une fois le terme maximal autorisé, la période probatoire ne produit plus d’effet.

La période probatoire peut-elle être renouvelée ?

Pour bénéficier de cette option, vous devez :

  • L’avoir prévue au sein de l’avenant au contrat de travail établi pour l’occasion,
  • Que votre salarié soit d’accord sur ce renouvellement.

Le début de la période probatoire doit, quant à lui, coïncider avec celui correspondant à la prise des nouvelles fonctions.

2.4 Bien rédiger votre clause de période probatoire

Vous l’avez compris, la qualité rédactionnelle de votre clause de période probatoire est essentielle.

C’est elle qui fixe le cadre applicable pendant le temps où votre salarié occupe les fonctions pour lesquelles il est pressenti.

Si votre convention collective est muette sur le sujet de la période probatoire, vous disposez alors d’une plus grande latitude pour fixer ce cadre.

Quel est le contenu de la clause de période probatoire ?

Dans tous les cas, nous conseillons donc d’être clair, précis et objectif et d’inclure notamment de manière systématique :

  • Les raisons qui motivent la mise en place de cette période probatoire
  • Les objectifs, les résultats attendus durant cette période qui conditionnent le maintien au nouveau poste
  • La date à laquelle elle débute
  • Le délai maximum de la période probatoire
  • La possibilité éventuelle de renouveler cette période et les modalités pour ce faire
  • Les motifs éventuels de la rupture de la période probatoire
  • Les modalités de rupture de la période probatoire (délai, formalisme)
  • Les conditions de rémunération applicables durant cette période
  • Les futures conditions de statut, de rémunération, de classification, qui seront attribuées automatiquement en cas de réussite dans les nouvelles missions.

Si les aspects juridiques sont essentiels, ceux qui concernent le management le sont d’autant plus.

Une clause bien rédigée sera totalement inutile si vous ne mettez pas un cadre managérial.

En effet, c’est ce cadre et votre suivi qui vont aider votre collaborateur à réussir dans ses nouvelles missions.

Et pourtant, c’est le plus souvent ce point qui fait cruellement défaut et qui conduit à une situation d’échec.
C’est dommage.

2.5 Prévoir une formation à la sécurité

Lorsqu’un salarié change de poste il est obligatoire de lui dispenser une nouvelle formation à la sécurité afin de lui permettre d’exercer ses nouvelles missions de manière sécurisée.

Ce sont les dispositions de l’article L.4141-2 du Code du travail qui encadrent ce point.

Il est bien entendu directement concerné par les mesures à prendre en vue d’assurer sa propre sécurité et aussi celle de ses collaborateurs placés sous sa responsabilité le cas échéant.

Si vous souhaitez développer ce sujet de la formation à la sécurité il y a principalement 3 points essentiels à retenir pour sécuriser sa gestion sociale sur ces aspects.

 

3. Les aspects managériaux de la période probatoire

Période probatoire : Comment réussir les aspects managériaux ?
Tout comme pour un nouvel embauché, vous devez mettre le maximum de chances de votre côté pour que cette promotion soit une réussite commune.

Aussi, vous pouvez utiliser des outils managériaux suivants :

  • Un plan d’action à mettre en œuvre pour Julien avec des objectifs et des moyens adéquats pour les atteindre ;
  • Un ou plusieurs entretiens pendant cette période de telle sorte à faire un point sur l’état d’avancement du plan d’action et le ressenti de chacun ;
  • Une formation (interne ou externe) pour aider Julien à monter en compétences ;
  • Désigner un tuteur référent qui va suivre Julien et l’accompagner.

Cette liste n’est pas exhaustive bien entendu, mais les deux premiers points sont tout de même des incontournables.

4. Comment gérer la fin de la période probatoire ?

Deux cas de figure peuvent se présenter.

4.1 Elle est concluante : c’est donc une réussite commune

Comme vous êtes satisfait de la prestation de Julien, vous décidez de le « titulariser » à son poste.

Vous devrez établir un nouvel avenant à son contrat de travail pour formaliser de manière définitive les nouvelles relations contractuelles.

Vous allez ainsi changer son statut et intégrer, a minima, la prime temporaire dans son salaire.

Vous pouvez établir un nouveau plan d’accompagnement pour la suite pour permettre à Julien de prendre en main la totalité du poste.

Il pourra ainsi donner le meilleur de lui-même.

C’est une opération « gagnant-gagnant » pour vous deux.

4.2 Elle n’est pas concluante : c’est un échec relatif

Vous n’êtes pas satisfait de la manière dont Julien a rempli ses nouvelles missions. Mais Julien peut aussi décider qu’il ne souhaite pas poursuivre dans ces nouvelles fonctions.

Cette situation d’échec relatif est plus délicate à gérer.

Votre décision prise, aucun délai de prévenance n’est prévu sauf accord des parties.

Il est préférable de ne pas agir brutalement et de respecter un délai « courtois ».

La forme est libre (email, LRAR, …) toujours, sauf accord des parties.

Julien réintégrera ses anciennes fonctions. Il retrouvera aussi son statut et son salaire.

Il faut que vous ayez « conservé » cette possibilité de retour à son poste antérieur au niveau de l’organisation de votre entreprise.

C’est ce que nous recommandons toujours de faire.

Si tel n’est pas le cas, vous pouvez convenir avec Julien d’une affectation sur un autre poste.

Mais là encore, il vous faudra son accord.

Et notez aussi que ce sera toujours le cas si Julien est un salarié protégé au titre d’un mandat de représentant du personnel par exemple.

Quoi qu’il en soit, le retour au poste antérieur est « indolore » pour les deux parties.

Vous ne vous retrouvez pas à devoir maintenir un statut et/ou un salaire qui n’ont pas ou plus de cohérence avec le poste occupé.

C’est malheureusement une situation bien plus fréquente qu’on ne l’imagine.
Toutefois, il convient aussi d’accompagner Julien dans le retour à son ancien poste de sorte qu’il dépasse un éventuel sentiment « d’échec ».

Faire cela, c’est lui permettre de pouvoir continuer à travailler dans de bonnes conditions.

Il y a aussi les aspects de communication en interne vis-à-vis des équipes qu’il a encadrées durant cette période qu’il faut préparer et déployer.

À noter que vous pouvez aussi vous retrouver dans l’une de ces deux situations en cas d’interruption de la période probatoire par vous-même ou par Julien.

Concluante ou pas, dans les deux cas, la mise en place de la période probatoire a sécurisé les aspects juridiques et managériaux inhérents à la promotion de Julien.

En conclusion : comment bien utiliser la période probatoire et améliorer sa gestion sociale ?

  • La période probatoire est destinée à tester un salarié dans de nouvelles fonctions. Elle ne peut contourner les règles légales du licenciement.
  • Le Code du travail est muet sur ce dispositif alors avant de le mettre en place, vérifiez bien votre convention collective qui peut encadrer, voire interdire la période probatoire.
  • Un accord écrit sous forme d’avenant au contrat de travail initial est indispensable. Il encadre notamment :
    • Les objectifs et résultats attendus durant cette période qui conditionnent le maintien au nouveau poste
    • La date à laquelle débute la période probatoire
    • Son délai maximum
    • La possibilité éventuelle de renouveler cette période et les modalités pour ce faire
    • Les motifs éventuels de la rupture de la période probatoire
    • Les modalités de rupture de la période probatoire (délai, formalisme)
    • Les conditions de rémunération applicables durant cette période
    • Les futures conditions de statut, de rémunération, de classification, qui seront attribuées automatiquement en cas de réussite dans les nouvelles missions.
  • Sur le plan managérial, un plan d’accompagnement durant cette période est recommandé. Il doit prévoir a minima :
    • Un plan d’action à mettre en œuvre avec des objectifs et des moyens adéquats pour les atteindre
    • Un ou plusieurs entretiens pendant cette période de telle sorte à faire un point sur l’état d’avancement du plan d’action et le ressenti de chacun (employeur et salarié).
  • La période probatoire est une réussite :
    • La formalisation des nouvelles conditions contractuelles est indispensable
    • Vous avez réussi à faire évoluer votre salarié sans prendre de risques pour votre gestion sociale.
  • La période probatoire n’est pas concluante :
    • Votre salarié retrouve ses fonctions antérieures, son statut est inchangé, son salaire aussi
    • Vous avez réussi à revenir à une situation normale sans prendre de risques pour votre gestion sociale.

Vous avez déjà eu cette situation à gérer, mais cela n’a pas été concluant ?

Vous souhaitez vous aussi mettre en place une période probatoire pour un de vos collaborateurs ?

À propos de l’auteur

Claude Guillot - Avocat et Médiateur
Avocat et Médiateur | Plus de publications

Claude conseille les chefs d’entreprise sur les aspects juridiques et RH de leur gestion sociale. Il assure aussi leur défense devant les juridictions dans le cadre des litiges qui les opposent avec les salariés ou les administrations.
Chez Human Avocats, notre équipe d’avocats accompagnes les entreprises en proposant une démarche transverse des problématiques juridiques et opérationnelles des RH et de la paie.

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